Un pétrolier, commissaire européen au Climat !

...et cette aberration est un signal :

  

Le juriste andalou Miguel Arias Cañete, 64 ans, est un dirigeant de la droite libérale espagnole (Parti populaire) : ex-sénateur, ex-ministre de José Maria Aznar et Mariano Rajoy, eurodéputé depuis 1987, tête de liste aux élections européennes de 2014... Il est également actionnaire de compagnies pétrolières et ex-président de deux de ces compagnies, Petrologis Canarias et Petrolifera Ducor (dont son fils et son beau-frère sont administrateurs) : conflit d'intérêts qui a soulevé des polémiques en Espagne. Lorsqu'Arias était ministre de l'Environnement, il a autorisé l'exploitation pétrolière au large des îles Canaries : décision contestée par les scientifiques.

Imposée par le président de la Commission Jean-Claude Juncker (soutenu par MM. Hollande et Valls), la nomination de M. Arias au Climat irrite des eurodéputés à la veille de son audition par le P.E. à Bruxelles : « Nous allons l'interroger sur son degré d'engagement en faveur d'une économie décarbonée, ainsi que sur son intégrité personnelle et politique, et nous attendons des réponses claires », affirmait la semaine dernière l'élu allemand Joseph Leinen. Il rappelait que, dans le passé, plusieurs nominations de commissaires furent refusées par les eurodéputés.

On va donc voir si l'ahurissante nomination d'un pétrolier au Climat soulève la même euro-ire que celle du catholique Rocco Buttiglione à la Justice en 2004 !

Les parlementaires avaient piégé M. Buttiglione  en l'interrogeant à titre personnel sur la pratique homosexuelle. Il n'avait pu que répondre ce qu'il aurait dit aussi à propos d'autres questions de morale privée : « étant chrétien, j'y vois personnellement un péché ». Les euro-députés l'attendaient là. Ils en firent un casus belli, alors que le sujet de l'homosexualité n'avait aucun rapport avec la Justice.

M. Arias, quant à lui, prétend s'installer aux commandes d'un domaine menacé par les industries pétrolières, dont il est actionnaire et ancien dirigeant ! Ce qui fait de lui le candidat le moins qualifié au poste de commissaire au Climat... Si le Parlement européen ne l'évince pas encore plus durement qu'il évinça M. Buttiglione, on devra poser  aux eurodéputés des questions « sur leur degré d'engagement en faveur d'une économie décarbonée, ainsi que sur leur intégrité personnelle et politique » ; et on attendra « des réponses claires ».

Un an avant le sommet climatique de Paris (dont l'importance a été spectaculairement soulignée à l'ONU par le cardinal Parolin au nom du pape), la nomination d'un Arias Cañete au Climat montre que la Commission va accélérer l'engrenage dérégulateur.

Un autre signe en est la fusion de l'Environnement avec les Affaires maritimes, commissariat confié par M. Juncker au politicien maltais Karmenu Vella (photo). Devant les eurodéputés, le 29 septembre, celui-ci a esquivé les questions et parlé de « croissance » : prélude rituel à toute nouvelle dérégulation. D'autant que M. Vella est un partisan discret du gaz de schiste...  Constatons que ce Maltais n'a été précis que sur un  point : la politique environnementale « ne doit pas », a-t-il dit, être « privilégiée » aux dépens de la politique maritime ! Ce que « politique maritime » signifie à Malte, on le sait depuis le naufrage du pétrolier Erika en 1999* : une indémêlable arnaque échappatoire sur fond de libéralisme global, de sociétés-écrans et de pavillons de complaisance. Tout ça est (au moins) aussi choquant que les convictions spirituelles de M. Buttiglione.

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* 400 kilomètres de côtes françaises souillées, 371 millions d'euros de préjudice économique.